Conformité des Actifs Numériques au Maroc : État des Lieux, Prudence Réglementaire et Potentiel Économique

1. Introduction : Contexte et Enjeux des Actifs Numériques au Maroc

L’émergence des actifs numériques, englobant les crypto-actifs et la technologie blockchain, constitue une transformation majeure du paysage financier mondial.1 Pour le Maroc, cette évolution s’inscrit dans une dynamique plus large d’engagement en faveur de la transformation numérique, notamment dans le secteur financier, comme en témoignent des stratégies nationales ambitieuses telles que “Maroc Digital 2030”.3 Initialement marquée par une certaine prudence, l’approche marocaine évolue progressivement vers l’établissement d’un cadre réglementaire spécifique, reconnaissant à la fois les opportunités et les défis inhérents à ces nouvelles technologies.1

La nécessité d’une réglementation et d’une conformité strictes dans ce secteur est primordiale. Il s’agit de trouver un équilibre délicat entre la promotion de l’innovation et la protection des investisseurs, la préservation de la stabilité financière et le respect des exigences en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LBC-FT).1 La nature sui generis des crypto-actifs, qui ne sont ni des monnaies ayant cours légal ni des moyens de paiement reconnus par la législation actuelle, impose l’élaboration d’un cadre juridique adapté.1 Dans ce contexte, l’alignement sur les standards internationaux, tels que ceux édictés par le Groupe d’Action Financière (GAFI) et le G20, apparaît comme un moteur essentiel de la démarche réglementaire marocaine.1

Le parcours réglementaire du Maroc s’inscrit dans une tendance mondiale où de nombreux pays, après une phase initiale de scepticisme ou d’interdiction face à la nouveauté et aux risques perçus des cryptomonnaies, s’orientent graduellement vers des réglementations sur mesure à mesure que la compréhension et l’adoption de ces technologies progressent. Le Maroc a suivi ce schéma : des avertissements et interdictions initiaux 1 ont laissé place à un travail actif sur un projet de loi dès 2022.1 Le “vide réglementaire” 1 persistant malgré un intérêt marqué des citoyens 1 a exercé une pression en faveur de l’établissement d’un cadre formel. Cette évolution suggère que le Maroc tire les leçons des expériences internationales tout en adaptant son approche à son contexte économique et social spécifique.

Par ailleurs, l’impulsion en faveur d’une réglementation ne vise pas uniquement à encadrer une nouvelle technologie. Elle est intrinsèquement liée aux stratégies nationales plus larges de digitalisation, telles que “Maroc Digital 2030” 3, et à l’ambition du pays de se positionner comme un hub financier régional, notamment à travers Casablanca Finance City (CFC).3 La stratégie “Maroc Digital 2030” ambitionne de stimuler le PIB grâce à la technologie, y compris la blockchain et l’intelligence artificielle.3 Un marché des actifs numériques réglementé est susceptible d’attirer les investissements et de favoriser l’innovation, contribuant ainsi à ces objectifs.1 De même, Casablanca Finance City aspire à devenir un centre financier africain de premier plan.3 Un cadre réglementaire moderne pour les actifs numériques renforce son attractivité pour les fintechs et l’innovation financière.14 Ainsi, la réglementation des actifs numériques apparaît comme un levier stratégique pour ces ambitions nationales majeures, et non comme une simple mesure réactive.

2. Cadre Réglementaire des Actifs Numériques au Maroc : État des Lieux et Évolution

La mise en place d’un cadre réglementaire pour les actifs numériques au Maroc est un processus en cours, marqué par une évolution significative depuis les premières réactions des autorités.

2.1. Définitions et Classifications

La notion d'”actifs numériques” est émergente dans le droit marocain, s’inspirant de définitions internationales, notamment françaises.1 Un crypto-actif se définit par sa nature cryptographique et sa valeur économique.1 Une distinction est opérée entre les cryptomonnaies et les jetons (tokens), ces derniers étant souvent utilisés pour le financement d’entreprises via les Offres Initiales de Jetons (ICO).1

Les crypto-actifs sont considérés comme ayant un caractère sui generis : ils ne constituent ni une monnaie ayant cours légal, ni une monnaie électronique, ni même un moyen de paiement reconnu par la loi marocaine actuelle.1

Les stablecoins (ou cyberjetons adossés), dont la valeur est arrimée à une monnaie fiduciaire ou à d’autres actifs, requièrent une attention réglementaire particulière en raison de leur potentiel impact systémique.16 La réglementation européenne MiCA (Markets in Crypto-Assets), qui fournit un cadre pour différents types de crypto-actifs y compris les stablecoins (jetons se référant à un ou des actifs – ARTs, et jetons de monnaie électronique – EMTs), pourrait servir de source d’inspiration pour le Maroc.16

Les plateformes d’échange de crypto-actifs (crypto exchanges), qui facilitent l’achat, la vente et l’échange de ces actifs, sont un point focal de la réglementation en raison des risques pour les consommateurs et des préoccupations LBC-FT.1

2.2. Historique : De l’Interdiction aux Premières Réflexions Réglementaires

Initialement, la position des autorités marocaines a été prohibitive :

  • Un communiqué de l’Office des Changes du 20 novembre 2017 stipulait que les transactions impliquant des monnaies virtuelles constituaient une infraction à la réglementation des changes.1
  • Un communiqué conjoint du Ministère de l’Économie et des Finances, de Bank Al-Maghrib (BAM) et de l’Autorité Marocaine du Marché des Capitaux (AMMC) du 21 novembre 2017 mettait en garde le public contre les risques associés (absence de protection des consommateurs, volatilité, utilisation à des fins illicites, non-conformité).1
  • Un communiqué tripartite de BAM, de l’AMMC et de l’Office des Changes du 5 avril 2022 réitérait ces avertissements et l’interdiction d’utiliser des crypto-actifs en l’absence d’une réglementation adaptée.1

Malgré cette interdiction, une adoption significative et un commerce pair-à-pair (P2P) se sont poursuivis de manière clandestine.1 Le Maroc s’est classé au 20ème rang mondial en matière d’utilisation de crypto-actifs en 2023 selon une étude 1, et 27ème selon une autre source 11, avec 1,15 million de Marocains détenant des actifs virtuels en 2022.1

Cette réalité a conduit à une évolution vers la réglementation :

  • Lors du conseil de Bank Al-Maghrib en 2022, l’annonce a été faite d’un projet de réglementation des crypto-actifs, impliquant l’AMMC et l’Autorité de Contrôle des Assurances et de la Prévoyance Sociale (ACAPS).1
  • Le projet de loi vise à réguler sans freiner l’innovation.1

2.3. Analyse Détaillée du Projet de Loi sur les Actifs Numériques

Le projet de loi sur les actifs numériques constitue une étape majeure dans la structuration du secteur au Maroc.

Objectifs, principes directeurs et portée :

Soumis par Bank Al-Maghrib au Ministère des Finances 11, le projet de loi est actuellement en phase d’adoption.1 Le Ministère de l’Économie et des Finances le soumettra ensuite à un comité technique.20

Il vise une régulation équilibrée : protéger les usagers, préserver les opportunités économiques, assurer la stabilité financière et prévenir les usages illicites.1 L’objectif est de créer un cadre juridique protégeant les investisseurs contre les arnaques, la fraude et la manipulation de marché.1 La technologie sous-jacente aux crypto-actifs pourrait également être utilisée pour développer des services fintech.20

Rôle des autorités clés :

  • Bank Al-Maghrib (BAM) : Chef de file dans l’élaboration du cadre réglementaire.1 Son Wali, Abdellatif Jouahri, a été un porte-parole clé.7 BAM est également responsable des systèmes de paiement 22 et explore la création d’une Monnaie Numérique de Banque Centrale (MNBC).11
  • Autorité Marocaine du Marché des Capitaux (AMMC) : Impliquée dans les discussions et la finalisation du projet de loi.1 Son rôle couvrira probablement la conduite du marché et la protection des investisseurs pour certains actifs numériques, à l’instar de l’AMF en France.24
  • Autorité de Contrôle des Assurances et de la Prévoyance Sociale (ACAPS) : Participe aux discussions 1, suggérant que certains actifs numériques ou services connexes pourraient relever du secteur des assurances ou de la prévoyance sociale.
  • Ministère de l’Économie et des Finances : Réceptionne le projet de loi de BAM et le soumettra à un comité technique.11 Il joue un rôle central dans le processus législatif.
  • Office des Changes : Chargé de l’application de la réglementation des changes, il avait précédemment qualifié les transactions en cryptomonnaies d’infraction.1 Son rôle devra s’adapter à la nouvelle loi.
  • Un comité spécialisé regroupant BAM, l’AMMC, l’ACAPS et l’Office des Changes finalise le projet.11
  • Un groupe de travail national, piloté par BAM et incluant le MEF, l’AMMC, l’ACAPS, l’Office des Changes, la Présidence du Ministère Public (PMP) et l’Autorité Nationale du Renseignement Financier (ANRF), avec l’assistance technique de la Banque Mondiale, élabore la loi.8

Processus d’adoption et calendrier anticipé :

Le projet de loi est prêt et a été soumis au Ministère des Finances.11 En novembre 2024, le Wali de BAM a annoncé qu’il était en phase d’adoption.1 Des discussions avec l’écosystème étaient prévues.10 Bien qu’aucune date d’adoption finale précise ne soit disponible, les annonces de 2024 et début 2025 témoignent d’une progression notable.7

Alignement avec les standards internationaux :

Le cadre réglementaire s’aligne sur les recommandations du G20.1 Son élaboration se fait en collaboration avec la Banque Mondiale et le FMI.1 Un accent particulier est mis sur la Recommandation 15 du GAFI relative aux Prestataires de Services sur Actifs Virtuels (PSAV) et à la LBC-FT 1, le Maroc visant la conformité.8 Une inspiration de la réglementation MiCA de l’UE est également probable.8

Le passage d’une interdiction générale à un projet réglementaire détaillé témoigne d’une maturation de la compréhension des autorités vis-à-vis des actifs numériques. Cette évolution reconnaît l’inefficacité des interdictions pures face aux taux d’adoption élevés 1 et admet qu’un environnement réglementé offre davantage de contrôle et de bénéfices. Les interdictions initiales 1 étaient une réaction courante face à des risques alors mal appréhendés. Cependant, la croissance significative des volumes P2P et de la détention de cryptomonnaies au Maroc 1 a démontré l’impact limité de cette interdiction sur l’usage réel et l’existence d’un marché “clandestin”.6 Cette réalité pratique a vraisemblablement contraint à une réévaluation : si les citoyens les utilisent malgré tout, il est préférable de réguler et superviser plutôt que de laisser le secteur dans l’ombre, où les risques (fraude, LBC-FT) sont accrus. L’élaboration d’un projet de loi complet 1 impliquant de multiples autorités (BAM, AMMC, ACAPS, MEF 8) indique une transition vers une approche nuancée et basée sur les risques.

L’approche multi-agences (BAM, AMMC, ACAPS, MEF, Office des Changes, ANRF 8) pour l’élaboration et la mise en œuvre de la loi, bien que complexe, est cruciale pour aborder la nature multidimensionnelle des crypto-actifs. Ces derniers touchent à la politique monétaire, aux marchés de capitaux, à la protection des consommateurs et à la criminalité financière. Les crypto-actifs ne forment pas une entité monolithique ; ils revêtent diverses formes (cryptomonnaies, jetons, stablecoins, NFT) et ont des implications variées. Bank Al-Maghrib se préoccupe principalement de la stabilité monétaire et des systèmes de paiement.22 L’AMMC veille à l’intégrité du marché et à la protection des investisseurs 1, de manière analogue à l’AMF en France.17 L’implication de l’ACAPS suggère la prise en compte de nouveaux produits financiers susceptibles de recouper les assurances ou les régimes de prévoyance.1 Le Ministère des Finances assume une responsabilité législative et fiscale globale.11 L’Office des Changes traite des transactions en devises étrangères 1, tandis que l’ANRF (Autorité Nationale du Renseignement Financier) se concentre sur la LBC-FT.8 Un effort coordonné 8 est donc essentiel pour éviter les lacunes ou les chevauchements réglementaires et pour s’assurer que tous les risques sont pris en considération. Cette approche collaborative, bien que potentiellement longue, vise un cadre plus holistique et robuste.

La mention explicite de s’inspirer des meilleures pratiques internationales (G20, GAFI, soutien du FMI/Banque Mondiale, potentiellement MiCA 1) suggère que le Maroc ne cherche pas à réinventer la roue mais plutôt à adapter des principes établis à son contexte national. Les actifs numériques étant un phénomène mondial, une réglementation incohérente entre les juridictions crée des risques et entrave les activités légitimes. Des organismes internationaux comme le GAFI (pour la LBC-FT 8) et le Conseil de Stabilité Financière via le G20 7 fournissent des principes et des normes de haut niveau. La collaboration du Maroc avec le FMI et la Banque Mondiale 1 lui donne accès à une expertise technique et à des perspectives mondiales. L’analyse comparative avec des cadres comme MiCA 8 permet au Maroc de tirer des enseignements de paquets réglementaires complets déjà développés. Cette approche vise à créer un environnement réglementaire crédible et internationalement reconnu, ce qui est crucial pour attirer les investissements étrangers et s’intégrer dans l’économie numérique mondiale. Cela pourrait accélérer le développement d’un cadre solide et faciliter l’interopérabilité ou la reconnaissance internationale.

Le tableau suivant résume la chronologie des initiatives réglementaires clés :

Tableau 1: Chronologie des Initiatives Réglementaires Clés concernant les Actifs Numériques au Maroc

Date Événement/Annonce Autorités Clés Impliquées
Novembre 2017 Communiqué de l’Office des Changes (infraction à la réglementation des changes) Office des Changes
Novembre 2017 Communiqué conjoint (mise en garde contre les risques) MEF, BAM, AMMC
Avril 2022 Communiqué tripartite (réitération des avertissements, interdiction maintenue) BAM, AMMC, Office des Changes
Décembre 2022 (approx.) BAM annonce la préparation d’un projet de loi sur les crypto-actifs BAM, AMMC, ACAPS
Novembre 2024 Le Wali de BAM déclare le projet de loi en phase d’adoption BAM
Décembre 2024 Le Wali de BAM confirme que le projet de loi est prêt BAM
Avril 2025 (Gitex) Le projet de loi est au Ministère de l’Économie et des Finances BAM, Ministère de l’Économie et des Finances

Sources : 1

Le tableau ci-dessous détaille les acteurs institutionnels et leurs rôles anticipés :

Tableau 2: Acteurs Institutionnels et Leurs Rôles Anticipés dans la Réglementation des Actifs Numériques au Maroc

Institution Mandat Général Rôle Spécifique Anticipé pour les Actifs Numériques
Bank Al-Maghrib (BAM) Banque centrale, stabilité monétaire, systèmes de paiement Cadre réglementaire global, LBC-FT, surveillance des PSAV, émission et gestion de la MNBC (e-Dirham)
Autorité Marocaine du Marché des Capitaux (AMMC) Régulation et surveillance des marchés de capitaux, protection des investisseurs Surveillance des marchés d’actifs numériques (si qualifiés d’instruments financiers), protection des investisseurs, agrément de certains PSAV
Autorité de Contrôle des Assurances et de la Prévoyance Sociale (ACAPS) Régulation et surveillance du secteur des assurances et de la prévoyance sociale Encadrement des produits ou services liés aux actifs numériques relevant de son champ de compétence
Ministère de l’Économie et des Finances Politique économique et financière de l’État, législation financière et fiscale Processus législatif, élaboration de la politique fiscale applicable aux actifs numériques
Office des Changes Contrôle des changes, balance des paiements Réglementation des flux de capitaux transfrontaliers liés aux actifs numériques
Autorité Nationale du Renseignement Financier (ANRF) Lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme Collecte et traitement du renseignement financier relatif aux transactions suspectes impliquant des actifs numériques, coopération LBC-FT

Sources : 1

3. La Prudence Gouvernementale : Analyse des Risques et des Motivations

L’approche prudente du gouvernement marocain en matière de réglementation des actifs numériques est motivée par une série de risques identifiés et la volonté de protéger les intérêts nationaux.

3.1. Protection des Consommateurs et des Investisseurs

Les autorités ont constamment mis en garde contre les risques inhérents aux actifs numériques, notamment l’absence de protection des consommateurs, la forte volatilité, le potentiel d’arnaques, de fraudes et de manipulations de marché.1 L’absence de réglementation des plateformes signifiait qu’il n’existait aucun recours en cas de pertes.1 Le nouveau projet de loi vise précisément à créer un cadre juridique pour protéger les investisseurs.1 La haute volatilité rend les crypto-actifs impropres à servir d’unité de compte ou de réserve de valeur stable sans garanties adéquates.1

3.2. Enjeux de la Lutte Contre le Blanchiment de Capitaux et le Financement du Terrorisme (LBC-FT)

Les crypto-actifs sont perçus comme des instruments potentiels pour le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme en raison de leur relatif anonymat, de la rapidité des transactions et de leur nature transfrontalière.1 Initialement, la législation marocaine (Code Pénal, Loi 43-05 relative à la LBC) ne contenait pas de dispositions spécifiques incriminant l’utilisation frauduleuse des crypto-actifs.1 Le nouveau cadre réglementaire est développé en conformité avec les recommandations du GAFI, en particulier la Recommandation 15, pour traiter ces risques LBC-FT.1 Cela inclut des mesures contre les transactions anonymes et l’application des obligations LBC-FT aux Prestataires de Services sur Actifs Virtuels (PSAV).1 L’engagement du Maroc à sortir de la liste grise du GAFI et à maintenir sa conformité avec les normes internationales LBC-FT est une forte motivation.8

3.3. Préservation de la Stabilité Financière et de la Souveraineté Monétaire

Des préoccupations existent quant au fait qu’une adoption généralisée de monnaies numériques privées pourrait saper la monnaie nationale et l’efficacité de la politique monétaire.23 La nature sui generis des crypto-actifs signifie qu’ils ne sont pas reconnus comme monnaie légale.1 L’exploration par Bank Al-Maghrib d’une MNBC (l’e-Dirham) peut être vue comme un moyen d’offrir une monnaie numérique garantie par l’État, préservant ainsi la souveraineté monétaire tout en embrassant l’innovation numérique.20 La réglementation vise également à réduire les risques de spéculation, de bulles financières ou d’effondrements soudains.1

La prudence gouvernementale ne découle pas seulement d’une réaction à des risques abstraits, mais est également informée par la réalité tangible d’un usage élevé de cryptomonnaies en P2P à l’intérieur de ses frontières.1 Bien que cela démontre un intérêt, cela implique aussi une exposition existante à des activités non réglementées et à des canaux potentiels de financement illicite qu’il convient d’intégrer dans un cadre conforme. Les autorités ont constamment mis en garde contre la LBC-FT, la fraude et la volatilité.1 Simultanément, les données montrent une forte adoption des cryptomonnaies et des échanges P2P au Maroc.1 Cette activité “clandestine” ou non réglementée 6 signifie que les risques contre lesquels les autorités mettent en garde ne sont pas seulement théoriques mais potentiellement déjà en train de se manifester. Par conséquent, la poussée réglementaire est aussi une tentative de gagner en visibilité et en contrôle sur un segment de marché existant, mais largement non surveillé, afin d’atténuer ces risques actifs.

Les efforts du Maroc pour s’aligner sur la Recommandation 15 du GAFI 8 sont critiques non seulement pour lutter contre la criminalité financière, mais aussi pour sa réputation financière internationale et sa capacité à attirer des investissements légitimes vers Casablanca Finance City et l’économie en général. Le non-respect pourrait avoir des répercussions négatives. Les recommandations du GAFI sont des normes mondiales en matière de LBC-FT. La conformité à ces normes est cruciale pour la réputation d’un pays au sein du système financier international. Le Maroc figurait auparavant sur la liste grise du GAFI et a déployé des efforts considérables pour en être retiré.8 La réglementation des crypto-actifs conformément à la Recommandation 15 du GAFI est essentielle pour éviter d’être réinscrit sur cette liste ou de faire l’objet d’un examen approfondi, ce qui pourrait dissuader les banques et les investisseurs internationaux. Un régime conforme renforce la position de CFC en tant que hub financier digne de confiance.

L’exploration d’une MNBC (e-Dirham) 20 se déroule parallèlement à la réglementation des crypto-actifs privés et peut être interprétée comme une stratégie proactive de Bank Al-Maghrib visant à offrir une alternative numérique réglementée. Ce faisant, elle pourrait atténuer certains risques associés aux cryptomonnaies privées (comme la volatilité et l’absence de soutien souverain) tout en faisant progresser les paiements numériques. Les cryptomonnaies privées posent des risques liés à la volatilité, à la protection des consommateurs et à la souveraineté monétaire.1 Une MNBC est une forme numérique de monnaie de banque centrale, offrant stabilité et soutien étatique.20 En développant un e-Dirham, BAM peut offrir les avantages de la monnaie numérique (efficacité, inclusion) sans le même niveau de risque que les cryptomonnaies privées.11 Cela peut être considéré comme une approche à deux volets : réglementer les crypto-actifs privés pour gérer leurs risques, et développer simultanément une monnaie numérique souveraine comme alternative plus sûre pour certains cas d’usage.

Le tableau suivant synthétise les principaux risques et les approches réglementaires marocaines :

Tableau 3: Principaux Risques Associés aux Actifs Numériques et Approches Réglementaires Marocaines

Catégorie de Risque Description Spécifique du Risque Mesure/Approche Réglementaire Marocaine
Protection des Consommateurs/Investisseurs Volatilité des prix, Escroqueries/Fraudes, Absence de recours, Manipulation de marché Avertissements publics, Élaboration d’un cadre légal spécifique, Exigences de transparence pour les plateformes, Protection des investisseurs dans le projet de loi
Lutte contre le Blanchiment de Capitaux et le Financement du Terrorisme (LBC-FT) Anonymat relatif, Rapidité des transactions transfrontalières, Utilisation à des fins illicites Alignement sur les normes GAFI (Rec. 15), Obligations LBC-FT pour les PSAV, Interdiction des transactions anonymes, Coopération ANRF
Stabilité Financière Risques de bulles spéculatives, Contagion potentielle au système financier traditionnel Surveillance par BAM, Régulation prudentielle des acteurs, Développement d’une MNBC comme alternative stable
Souveraineté Monétaire Contournement de la monnaie nationale, Impact sur l’efficacité de la politique monétaire Non-reconnaissance des crypto-actifs comme monnaie légale, Exploration et développement de l’e-Dirham (MNBC)
Fiscalité Évasion fiscale, Difficulté de traçabilité des gains Réflexion sur un cadre fiscal adapté, Digitalisation des services fiscaux

Sources : 1

4. Potentiel Économique et Gains Stratégiques pour le Maroc

La mise en place d’un cadre réglementaire pour les actifs numériques ouvre la voie à de multiples opportunités économiques et stratégiques pour le Maroc.

4.1. Stimulation de l’Innovation et Développement de l’Écosystème FinTech

La réglementation vise à encourager l’innovation tout en maîtrisant les risques.1 La technologie blockchain, qui sous-tend les crypto-actifs, peut être exploitée pour développer de nouveaux services financiers (FinTech).2 L’objectif est d’attirer les entreprises de la FinTech et de la blockchain à opérer au Maroc.1 Le pays compte déjà un nombre croissant de startups FinTech axées sur la blockchain et les solutions cryptographiques.19 Des exemples de startups marocaines dans la FinTech, certaines utilisant potentiellement la blockchain, incluent VOVE ID (pour la vérification d’identité numérique e-KYC) et UPay Wallet (pour les paiements numériques).27 KIFAL Auto, par exemple, utilise la blockchain sur le marché des voitures d’occasion.29 La stratégie “Maroc Digital 2030” met fortement l’accent sur l’innovation technologique, y compris la blockchain et l’IA, pour stimuler le PIB.3

4.2. Attraction des Investissements

Un cadre réglementaire clair offre prévisibilité et sécurité juridique, ce qui est essentiel pour attirer les investissements nationaux et étrangers.1 Cela pourrait inciter des entreprises internationales du secteur de la blockchain et des crypto-actifs à s’implanter au Maroc.1 Casablanca Finance City (CFC) offre déjà des avantages aux entreprises, y compris celles du secteur FinTech.14 Des initiatives telles que le “One Stop Shop Fintech” (OSSF) de Bank Al-Maghrib soutiennent également le développement des fintechs.22

4.3. Amélioration de l’Inclusion Financière

Les actifs numériques et les MNBC peuvent promouvoir l’inclusion financière.11 Les cryptomonnaies sont perçues comme une solution à certains problèmes financiers rencontrés par la jeunesse marocaine.19 L’impulsion en faveur de l’inclusion financière par le biais des actifs numériques n’est pas seulement un objectif social, mais aussi économique. En intégrant davantage de personnes dans le système financier formel grâce à des outils numériques accessibles, le Maroc peut débloquer de nouveaux marchés, stimuler l’activité économique et améliorer la collecte de données pour l’élaboration des politiques. Un segment de la population peut être non bancarisé ou sous-bancarisé. Les actifs numériques, surtout s’ils sont accessibles via des plateformes mobiles 20, peuvent offrir des points d’entrée plus faciles aux services financiers que les services bancaires traditionnels pour certains. Une participation financière accrue signifie que davantage d’individus peuvent épargner, investir et effectuer des transactions de manière formelle. Cela conduit à une plus grande activité économique, à un potentiel d’entrepreneuriat et à une base plus large pour les prestataires de services financiers. Le gouvernement bénéficie également de meilleures données économiques issues des transactions formalisées.

4.4. Modernisation des Systèmes de Paiement

La technologie des crypto-actifs et les MNBC peuvent moderniser les transactions financières et réduire la manipulation des espèces.2 Bank Al-Maghrib s’efforce de réduire les commissions d’interchange et d’encourager les paiements électroniques.20 La blockchain offre un potentiel pour des systèmes de paiement sécurisés et efficaces.2

4.5. Focus : Casablanca Finance City (CFC) comme Catalyseur

CFC aspire à devenir un hub financier africain de premier plan, et un cadre réglementaire moderne pour les actifs numériques renforce son attractivité.3 CFC peut attirer des fintechs spécialisées dans les actifs numériques et les technologies de paiement.15 La clarté réglementaire pour les actifs numériques peut faire de CFC une base plus attrayante pour les entreprises cherchant à desservir le marché africain. CFC héberge déjà plus de 200 entreprises et fournit un écosystème de soutien.14 Le plan “Maroc Digital 2030” vise à positionner le Maroc comme un leader de la technologie blockchain en Afrique, CFC jouant un rôle dans cette ambition.3 L’ouverture d’un bureau de représentation de Standard Chartered à CFC témoigne de l’intérêt financier international croissant.7

La réglementation réussie des actifs numériques pourrait créer un cercle vertueux pour Casablanca Finance City : un cadre clair attire les fintechs axées sur les actifs numériques, ce qui renforce la réputation de CFC en tant que pôle financier innovant, attirant ainsi davantage d’investissements et de talents, et soutenant les ambitions de la stratégie “Maroc Digital 2030”. L’objectif de CFC est d’être un centre financier de premier plan en Afrique.3 L’innovation dans les services financiers, y compris les actifs numériques, est un différenciateur clé pour les pôles financiers. Un cadre réglementaire robuste et clair pour les actifs numériques (tel que prévu 1) réduit l’incertitude et le risque pour les entreprises. Cela rendra CFC plus attrayant pour les fintechs et les entreprises de blockchain.1 Un afflux de telles entreprises à CFC crée un effet de cluster, favorisant davantage d’innovation, la création d’emplois (un objectif de “Maroc Digital 2030” 3) et des services spécialisés. Cela renforce la proposition de valeur globale de CFC et contribue aux objectifs de l’économie numérique du Maroc.

4.6. Perspectives Fiscales et Contribution aux Recettes de l’État

La réglementation pourrait permettre au gouvernement de percevoir des impôts sur les plus-values générées par les actifs virtuels et de lutter contre l’évasion fiscale.1 Actuellement, il n’existe pas de législation fiscale spécifique pour les actifs numériques, mais cela devrait changer.19 La taxation des cryptomonnaies soulève des défis : définition, traçabilité, transactions transfrontalières, double imposition.31 La digitalisation du système fiscal marocain 32 pourrait être étendue aux crypto-actifs.

Le développement d’un cadre réglementaire national pour les actifs numériques, y compris pour la fiscalité 1, est crucial pour capter la valeur qui opère actuellement dans une zone grise ou offshore. Il ne s’agit pas seulement de nouvelles sources de revenus, mais aussi d’assurer une concurrence loyale et la transparence. Une activité crypto significative existe déjà au Maroc, largement non réglementée.1 Les gains de ces activités ne sont probablement pas imposés efficacement dans le “vide réglementaire” actuel.1 Un cadre fiscal clair (comme anticipé 19) permettrait à l’État de capter une part des bénéfices économiques. La réglementation des plateformes d’échange et des PSAV 1 intégrerait ces entités dans l’économie formelle, soumises aux lois et taxes locales, empêchant la fuite des capitaux ou les profits non imposés. Cette formalisation uniformise également les règles du jeu pour les entreprises conformes.

Le tableau suivant récapitule les gains potentiels pour l’économie marocaine :

Tableau 4: Gains Potentiels de la Réglementation des Actifs Numériques pour l’Économie Marocaine (Focus CFC et Secteur Paiement)

Domaine d’Impact Description du Gain Potentiel Indicateurs/Exemples (si disponibles)
Innovation et FinTech Développement de nouvelles solutions financières, émergence de startups spécialisées Nombre de fintechs à l’OSSF de BAM 22, objectifs de “Maroc Digital 2030” pour les startups tech 3
Investissement Attraction d’Investissements Directs Étrangers (IDE) et de capital-risque, développement d’un écosystème d’investissement local Objectifs d’attraction d’IDE de “Maroc Digital 2030” 3
Inclusion Financière Accès facilité aux services financiers pour les populations non ou sous-bancarisées Pourcentage de la population détenant des cryptos (ex: 1,15M en 2022 1), objectifs d’inclusion de la MNBC 11
Modernisation des Paiements Transactions plus rapides, moins coûteuses, réduction de l’usage du cash, amélioration de l’efficacité des paiements Efforts de BAM pour les paiements électroniques 20, potentiel de la blockchain pour les paiements 2
Rôle de Casablanca Finance City (CFC) Positionnement de CFC comme hub FinTech africain, attraction d’entreprises internationales du secteur des actifs numériques Plus de 200 entreprises à CFC 14, stratégie de CFC pour attirer les fintechs 15, rôle dans “Maroc Digital 2030” 3
Revenus Fiscaux Nouvelles sources de revenus pour l’État via l’imposition des gains et des transactions, lutte contre l’évasion fiscale Attentes de perception d’impôts sur les gains 1, digitalisation du système fiscal marocain 32

Sources : 1

5. Initiatives Connexes : Vers une Monnaie Numérique de Banque Centrale (MNBC) Marocaine (e-Dirham)

Parallèlement à la réglementation des crypto-actifs privés, Bank Al-Maghrib mène des travaux exploratoires sur l’opportunité d’émettre une Monnaie Numérique de Banque Centrale (MNBC), communément appelée l’e-Dirham.

5.1. État d’Avancement des Recherches et Projets Pilotes

Bank Al-Maghrib étudie les MNBC depuis au moins 2019.23 Un comité dédié a été créé en 2021 pour analyser l’opportunité, les modalités et les conséquences d’une telle émission.23 Ce comité est chargé d’identifier les avantages et les risques pour l’économie nationale.23 En 2023, les travaux se sont concentrés sur des études d’impact relatives à l’inclusion financière et à l’utilisation des espèces, la préparation de consultations avec les parties prenantes prioritaires, la réalisation d’une première Preuve de Concept (Proof of Concept – PoC), et une réflexion sur l’intégrité financière requise.23 BAM collabore avec le Fonds Monétaire International (FMI) et la Banque Mondiale pour un soutien technique et des recherches.11 Début 2025, aucune décision de lancement ou de phase pilote à grande échelle n’a été annoncée, bien que la recherche soit active.20 Un programme pilote en partenariat avec l’Égypte a également été mentionné.11

5.2. Objectifs Visés

L’émission d’un e-Dirham viserait plusieurs objectifs stratégiques :

  • Améliorer l’inclusion financière en facilitant l’accès aux services financiers.11
  • Moderniser les transactions financières, réduire la manipulation des espèces et freiner l’économie informelle.11
  • Préserver la souveraineté monétaire, garantir l’accès à la monnaie de banque centrale, améliorer la technologie, réduire les coûts de transaction, optimiser l’élaboration de la politique monétaire et diminuer l’impact environnemental des espèces.23
  • Répondre aux défis du secteur des paiements, notamment en ce qui concerne l’utilisation des espèces.20

5.3. Synergies et Différences avec la Réglementation des Crypto-Actifs Privés

Bien que distincts, l’e-Dirham et les crypto-actifs privés présentent des synergies et des différences notables.

Synergies : Les deux initiatives visent à tirer parti de la technologie numérique pour la finance. Le développement de la MNBC peut enrichir la compréhension des technologies de registres distribués (DLT). L’infrastructure de la MNBC pourrait avoir des points communs avec les besoins de l’écosystème des actifs numériques. Les deux requièrent une cybersécurité et une protection des données robustes.

Différences :

  • La MNBC est un passif de la banque centrale, garantie par l’État, visant la stabilité et des objectifs de politique publique.23
  • Les crypto-actifs privés sont majoritairement décentralisés, volatils et présentent des profils de risque différents.1
  • La réglementation des crypto-actifs privés se concentre sur la protection des investisseurs et la LBC-FT pour les émetteurs privés et les PSAV. La réglementation de la MNBC concerne son émission, sa distribution et son cadre opérationnel par la banque centrale.
  • La perception du public et la confiance seront des facteurs clés pour le succès de la MNBC, qui devra être aussi crédible que les espèces.20

Le développement parallèle d’une MNBC (e-Dirham) et la réglementation des crypto-actifs privés suggèrent une stratégie sophistiquée à deux volets de la part des autorités marocaines. Elles ne se contentent pas de réagir à l’innovation privée, mais cherchent également de manière proactive à façonner l’avenir de la monnaie numérique d’une manière qui s’aligne sur les intérêts nationaux et la stabilité. L’e-Dirham pourrait ainsi être proposé comme une alternative numérique “plus sûre”. Les crypto-actifs privés ont émergé en premier, créant à la fois des opportunités et des risques.1 Les gouvernements, y compris celui du Maroc, réglementent désormais ces actifs privés.1 Simultanément, les banques centrales du monde entier, y compris BAM 23, recherchent et développent des MNBC. Une MNBC offre une efficacité numérique mais avec le soutien et le contrôle de la banque centrale, contrairement à la plupart des crypto-actifs privés.33 Cela permet à BAM de fournir une option de monnaie numérique qui sert directement les objectifs de politique publique comme l’inclusion et l’efficacité des paiements 11 tout en atténuant les risques associés aux actifs privés, plus volatils. C’est une manière de mener l’innovation plutôt que de simplement la réglementer.

Le succès d’un e-Dirham dépendra fortement de son adoption par le public, qui repose à son tour sur des facteurs allant au-delà de la simple solidité technologique, incluant la facilité d’utilisation, la confiance et les avantages perçus par rapport aux méthodes de paiement existantes (y compris les espèces et les actifs numériques privés). Cela rend la consultation des parties prenantes et l’éducation du public cruciales. Le Wali Jouahri a souligné que la perception du public est la clé du succès de la MNBC.20 Même si elle est technologiquement supérieure, une MNBC ne sera pas adoptée si elle n’est pas conviviale ou si les gens ne lui font pas confiance ou n’en voient pas la valeur. Le Maroc a un usage élevé des espèces (sous-entendu par l’accent mis par 20 sur sa réduction). Il existe également un intérêt croissant pour les crypto-actifs privés.1 Un e-Dirham doit offrir des avantages convaincants par rapport aux deux. Le plan de BAM pour 2023 visant à finaliser les travaux préparatoires aux consultations avec les parties prenantes prioritaires 23 est une étape essentielle pour y parvenir.

L’infrastructure technique et réglementaire construite pour l’e-Dirham pourrait, à long terme, créer des retombées positives pour l’écosystème plus large des actifs numériques au Maroc. Par exemple, en établissant des normes communes pour l’identité numérique ou des cadres de transaction sécurisés, même si l’e-Dirham lui-même est distinct des crypto-actifs privés. Le développement d’une MNBC nécessite un investissement important dans la compréhension des DLT/blockchain, la cybersécurité, les solutions d’identité numérique et les mécanismes de surveillance réglementaire au sein de la banque centrale (23 mentionne la PoC et les réflexions sur l’intégrité financière). Ces capacités et normes, une fois établies, peuvent être exploitées ou adaptées pour l’économie numérique au sens large. Par exemple, les solutions d’identité numérique développées pour l’accès à la MNBC pourraient potentiellement être utilisées par les PSAV privés pour le KYC (Know Your Customer). L’expertise réglementaire acquise par BAM dans la supervision d’une MNBC pourrait améliorer sa supervision du marché privé des actifs numériques.

6. Conclusion et Perspectives

Le Maroc est à un tournant décisif dans sa démarche d’encadrement des actifs numériques. Les avancées réglementaires sont significatives, mais des défis importants subsistent pour assurer un développement équilibré et bénéfique de cet écosystème.

6.1. Synthèse des Avancées et Défis Persistants

Le passage d’une interdiction de fait à l’élaboration d’un projet de loi complet sur les actifs numériques marque une évolution majeure de la part du Maroc.1 Cet effort est le fruit d’une collaboration multipartite (BAM, AMMC, ACAPS, MEF, etc.) et s’appuie sur une coopération internationale (FMI, Banque Mondiale, alignement GAFI).1

Cependant, des défis persistent. La finalisation et la mise en œuvre effective de la loi, l’établissement d’une supervision efficace pour un secteur nouveau et complexe, la lutte continue contre les risques LBC-FT, la gestion de la volatilité, la garantie de l’éducation et de la protection des consommateurs, ainsi que le développement d’un cadre fiscal clair, constituent des chantiers importants.1 L’adaptation des banques traditionnelles à ces nouvelles technologies représente également un enjeu.11

6.2. Considérations pour un Développement Équilibré

Pour un développement harmonieux de l’écosystème des actifs numériques, aligné sur les objectifs nationaux, plusieurs considérations s’imposent. L’équilibre entre la promotion de l’innovation et une réglementation robuste demeure le défi principal.1 Un dialogue continu entre les secteurs public et privé est essentiel (10 mentionne des discussions prévues avec l’écosystème). Le renforcement des capacités au sein des instances de régulation et des forces de l’ordre sera nécessaire. L’éducation des citoyens et des entreprises sur les risques et l’utilisation responsable des actifs numériques est également un pilier.34 Enfin, il s’agira de mobiliser les actifs numériques au service des ambitions de la stratégie “Maroc Digital 2030” et de renforcer l’attractivité de Casablanca Finance City.3 Si le Maroc parvient à naviguer avec succès sur cette voie réglementaire, il a le potentiel de devenir un leader régional dans ce domaine.1

Le succès ultime de la stratégie marocaine en matière d’actifs numériques ne dépendra pas seulement de la lettre de la loi, mais aussi de son application effective, de son adaptation continue aux évolutions technologiques et du marché, et de la promotion d’un écosystème informé et responsable (utilisateurs, entreprises et régulateurs). Une bonne législation n’est que la première étape.1 Le secteur des actifs numériques est très dynamique ; de nouveaux produits, risques et technologies émergent rapidement. Une supervision efficace nécessitera des régulateurs qualifiés (17 mentionne une charge de travail accrue pour l’AMF/ACPR en France, un défi similaire pour le Maroc). L’éducation des consommateurs et des investisseurs est vitale pour prévenir les abus et gérer les attentes.34 Le cadre doit être suffisamment agile pour s’adapter sans nécessiter de refontes législatives fréquentes et perturbatrices, ce qui implique un besoin de surveillance et de dialogue continus.

Le parcours du Maroc pourrait servir de modèle influent pour d’autres pays de la région MENA et d’Afrique qui sont également aux prises avec la réglementation des actifs numériques, en particulier ceux qui cherchent à concilier objectifs de développement et gestion des risques. De nombreux pays de la région sont confrontés à des défis similaires : désir d’innovation, besoins d’inclusion financière, préoccupations LBC-FT. L’approche collaborative du Maroc avec les organismes internationaux (FMI, Banque Mondiale 11) et son objectif de s’aligner sur les normes mondiales (GAFI, G20 7) rendent son processus observable et potentiellement reproductible. Si le Maroc réussit à attirer les investissements et à favoriser un écosystème d’actifs numériques dynamique et conforme grâce à ses nouvelles réglementations, il pourrait devenir une étude de cas. Son leadership dans le commerce P2P en Afrique du Nord 12 indique déjà un marché réceptif qui, une fois réglementé, pourrait être pionnier dans de nouvelles applications.

En définitive, la démarche marocaine, bien que prudente, est résolument tournée vers l’avenir, cherchant à intégrer les actifs numériques dans son économie de manière sécurisée et productive. Les prochaines étapes de mise en œuvre et d’ajustement du cadre réglementaire seront cruciales pour concrétiser le potentiel identifié.

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